L’inconséquence de l’opposition

Le 4 mars 2010, le corps électoral togolais est convié aux urnes pour désigner celui qui présidera aux destinées du pays les cinq prochaines années.
Un scrutin épique, s’il en est, puisque pratiquement une semaine après le début officiel de la campagne électorale il est toujours hasardeux de se prononcer sur le nombre de prétendants qui brigueront effectivement la magistrature suprême ; pour cette raison que les leaders de l’opposition n’en finissent pas de se livrer au jeu du « un pas en avant, deux pas en arrière », toujours bloqués dans leurs starting-blocks alors que Faure Gnassingbe, le candidat du parti au pouvoir, a déjà entamé la course et bien engagé sa force dans la pêche aux militants et donc aux électeurs.
Tout se passe comme si l’opposition n’était pas encore décidée à prendre part au scrutin. Dans un premier temps, c’est la Convention démocratique des peuples africains (CDPA) de Brigitte Adjamagbo-Johnson et le Comité d’action pour le renouveau (CAR) de Yawovi Agboyibo qui ont annoncé la suspension de leur participation à cette élection.
Rapidement, l’Union des Forces du changement (UFC) du candidat Jean-Pierre Fabre leur a emboîté le pas. Le motif principal invoqué : la non-fiabilité des listes électorales. Mais deux jours après cette annonce, coup de théâtre, le CAR revient dans la course, laissant sur le bas-côté du chemin électoral la CDPA, mais surtout l’UFC, le grand parti de l’opposition.

Ce jeu trouble, les adversaires de Faure l’ont débuté à Ouagadougou lors du dernier round des négociations au cours duquel ils ont demandé un report du scrutin, ne serait-ce que d’une semaine. Déjà à l’époque, les observateurs de la scène politique togolaise se demandaient bien à quoi un tel report, insignifiant, aurait pu servir puisque dans une démocratie tropicalisée comme celle du Togo, et même dans bien des pays africains, le jeu est déjà plié avant le début même du match.
Au point que si, comme pour les courses hippiques, il fallait parier sur l’issue des élections présidentielles sur le continent, c’est clair, beaucoup de parieurs allaient tout le temps décrocher l’ordre. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nombreux étaient les analystes qui se demandaient pourquoi en retarder l’issue, fatale (électoralement, cela s’entend) pour les candidats de l’opposition. Car tant qu’à faire, mieux vaut aller rapidement et dignement à la potence et que la messe soit dite, tout de suite puisque rien ne changera le cours des choses.
De Ouaga, c’est à Paris que le front anti-Faure s’est retrouvé pour peaufiner la préparation de la présidentielle. Là, ils ont été incapables de s’unir pour ne présenter qu’un seul candidat. Et voilà que la campagne une fois ouverte, les tergiversations se poursuivent de plus belle. Pour sûr, cette inconstance et cette inconséquence de l’opposition déroutent à plus d’un titre ses militants et tous ceux qui pourraient lui accorder leurs voix.
Car, l’opposition, depuis le début du processus électoral, navigue à vue et tantôt elle est dedans, tantôt elle est dehors. Dans ce contexte, difficile pour l’électeur de savoir si son candidat sera ou pas dans la course jusqu’au 4 mars, puisque dans cette présidentielle, où les retournements de veste sont légion, peut-être qu’au moment où vous lisez ces lignes, il y a encore eu une évolution, un va-et-vient, dans le camp de l’opposition.
Il faut être honnête et reconnaître que la bataille du fichier électoral que l’opposition veut mener à présent est un combat d’arrière-garde, car, au moment où cette bagarre aurait été porteuse, l’opposition ne l’a pas faite. Elle a préféré ergoter sur la question de la présidence de la commission électorale indépendante. Et maintenant elle se réveille pour contester la qualité de la liste électorale.
Si on en est là aujourd’hui, c’est qu’au fond, les opposants étaient persuadés qu’ils pourraient obtenir un report conséquent de la date du scrutin malgré les dispositions constitutionnelles, qui imposaient la tenue du vote au plus tard dans la première semaine du mois de mars. Faure, en acceptant de reculer le scrutin d’une semaine (du 28 février au 4 mars), a fait le maximum pour rester dans la fourchette constitutionnelle.
Parce qu’elle s’est intéressée à un moment donné à l’accessoire et non à l’essentiel, l’opposition togolaise vient ainsi d’élargir davantage le boulevard sur lequel Faure roulera pour renouveler son bail présidentiel le 4 mars prochain.
Et cette opposition n’aura plus que ses yeux pour pleurer, car après ce scrutin, le fils d’Eyadema va conforter son assise et, comme son père, emménager à vie à la présidence, le nombre de mandats présidentiels n’étant pas limité au Togo. Et avec son jeune âge, Faure conduira tout doucement tous ses adversaires à la retraite politique.

Add a Comment

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *